Dans le cadre du Choix Goncourt de la Suède 2024 Fanny Atterstig, Virginie Fälth Péan, Jenny Lizot et Amel Soltani livrent une critique littéraire de Sarah, Susanne et l’écrivain de Eric Reinhardt, basée sur les débats du jury.
Le roman Sarah, Susanne et l’écrivain d’Éric Reinhardt tisse une intrigue captivante et bien rythmée autour de trois personnages principaux. Le premier d’entre eux, Sarah, est une lectrice qui porte en elle une mémoire douloureuse, celle d’un mariage qui s’est récemment effondré. Cette histoire fascine un écrivain, au point qu’il décide de s’en inspirer pour écrire son prochain roman. Il crée alors le personnage de Susanne, un alter ego fictif de Sarah. Au fil du roman d’Éric Reinhardt, le personnage-écrivain raconte son roman à Sarah, ce qui nous permet de découvrir les cheminements de Sarah et de Susanne.
Ainsi, Sarah, Susanne et l’écrivain se présente comme une mise en abyme troublante, dans laquelle les personnages se confondent, tandis que la fiction se mêle à la réalité. Idéalistes, Sarah et Susanne cherchent toutes deux à rééquilibrer leurs mariages, en vain. Elles perdent très vite le contrôle des événements, sombrant progressivement dans l’isolement, l’angoisse et le désespoir. Leurs histoires sont celles d’une chute dans les affres d’une relation conjugale toxique. Cependant, elles sont aussi celles d’une recherche de liberté et d’authenticité. Confrontées à l’égoïsme et au silence de leurs maris, elles vont devoir se (re)construire. Après L’amour et les forêts, Éric Reinhardt nous livre un nouveau roman profondément féministe dont la lecture suscite une palette d’émotions, de la colère à la joie, en passant par la tristesse. Nul ne reste indifférent !
Sarah, Susanne et l’écrivain est également un roman qui incite à la réflexion sur les relations familiales, l’argent et l’épanouissement personnel. Les personnages, tantôt attachants, tantôt repoussants, restent complexes et finement observés au niveau de leur psychologie et de leurs interactions. Toutefois, grâce à un subtil dosage d’informations, l’auteur laisse au lecteur une certaine marge d’interprétation. Les expériences de lecture deviennent plurielles. Aussi les membres du jury ont-ils été surpris de partager autant d’émotions, d’intérêts et d’avis différents. Le jury s’est par contre uni pour louer l’originalité et la justesse avec lesquelles Éric Reinhardt traite de la création littéraire dans son roman. À travers les échanges entre Sarah et l’écrivain, nous entrons dans les coulisses de la genèse d’un roman. L’écrivain, à la fois créateur de Susanne et confident de Sarah, joue alors un rôle crucial : son regard extérieur permet d’éclairer les zones d’ombre de leurs personnalités et de mettre en lumière les contradictions qui les animent. Plus vertigineux, les glissements entre les personnages nous interrogent sur la nature même d’une fiction. Ce roman, dont l’écriture fluide laisse pointer quelques notes d’humour et d’ironie, se révèle aussi audacieux que puissant.
Découvrez le mois prochain, la critique de Triste tigre de Neige Sinno.
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