Dans le cadre du Choix Goncourt de la Suède 2024, Hassan El-Saghir, Ingrid Schoerner et Mariana Elsner Almonte livrent une critique littéraire de Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea, basée sur les débats du jury.
Découvrir le Livre :
Veiller sur elle se déroule en Italie entre les deux guerres, à l’époque où monte le fascisme. Ils n’auraient jamais dû se rencontrer, Mimo et Viola, lui qui – jeune – connait la dureté de la vie, elle qui passe son enfance dans un palais génois. Contre toute attente, ils se rencontrent une nuit. C’est le début d’une amitié profonde qui durera. Il s’avère que Mimo a un talent pour la sculpture et au fil des années il remportera un grand succès. Quant à Viola, elle ne se contente pas de sa vie de château et met sa famille au défi. Elle est très critique contre le parti fasciste et essaye de convaincre Mimo, qui lui a fait toute sa carrière sous le régime durant cette période, mais à quel prix ?
Les discussions du jury du Choix Goncourt de la Suède ont soulevé plusieurs points forts du livre : dans un premier temps, c’est une œuvre qui nous emmène dans l’Italie du XXème siècle. Elle nous raconte les guerres, l’entre-deux-guerres, la sculpture, l’art, les villes italiennes, le pouvoir, et surtout les personnages et leurs destins. Tous ces thèmes s’entremêlent avec fluidité et rendent la lecture à la fois enrichissante et joyeuse. De surcroît, Jean-Baptiste Andrea réussit à créer et maintenir ce mystère autour de la Pietà qui nous accompagne à travers le livre et nous tient en haleine.
Quelques mots sur les personnages : la plupart du jury a trouvé les personnages intéressants, surtout parce qu’ils ne sont pas soit méchants soit bons. Le livre est plus nuancé que cela. Et en particulier la relation entre Mimo et Viola, les deux personnages principaux : plutôt qu’une histoire d’amour, l’auteur prend son temps pour nous dévoiler quelque chose d’autre, qui est plus difficile à expliquer, plus difficile à nommer.
Néanmoins, certains aspects du roman ont suscité des questions et des réflexions critiques parmi le jury : en particulier l’image de la femme dépeinte dans le roman. Pour certains, le roman présente une vision binaire des femmes : elles sont soit des madones, soit des prostituées. Viola, personnage autour duquel tourne une grande partie de l’intrigue, apparaît comme dépourvue de réalité, trop parfaite. La perspective narrative du roman – centrée sur Mimo – ne donne pas assez accès au monde des femmes à cette époque-là, décevant ainsi plusieurs lecteurs. La relation entre les deux personnages principaux, caractérisée par un amour intense qui reste pourtant platonique, a aussi été le sujet de discussions : pour certains, l’aspect platonique est peu crédible, tandis que d’autres ont loué la représentation d’une amitié femme-homme. Si la plupart du Jury a trouvé l’intrigue du roman passionnante, quelques-uns ont souligné qu’ils ont trouvé difficile de comprendre les motivations des personnages.
L’écrivain Jean-Baptiste Andréa qui a lui-même des origines italiennes, a commencé sa carrière comme scénariste et réalisateur. Il est connu pour plusieurs films. Son premier livre, paru en 2017, reçoit une dizaine de prix. Veiller sur elle, son quatrième livre a été récompensé par le Prix Goncourt en 2023.
Découvrez ici la critique de Humus de Gaspard Koenig.
Pour en savoir plus sur le Choix Goncourt de la Suède 2024, cliquez ici.